Bleu blanc rouge : rien à foot ?

Nicolas Hourcade, sociologue : « Le fait qu’autant de gens descendent dans la rue autour d’une sélection sportive est révélateur d’un besoin de partager quelque chose collectivement, dans un contexte économique et social pas toujours joyeux, avec en plus une menace terroriste. Un grand événement sportif est un moment rare dans la vie sociale où la population peut communier autour d’émotions positives et consensuelles. Les autres occasions de rassemblement sont soit tristes, comme le décès d’un personnage public ou des attentats, soit clivantes, comme la victoire d’un camp politique. »

Soyons francs : j’ai apprécié ce moment convivial partagé avec des amis.

Soyons aussi honnêtes : ce patriotisme (des derniers instants ?) aurait, bien souvent, pu s’écrire « patrie autisme »

Une ville française lors de la finale

Voir autant de monde fier du drapeau tricolore me remplissait de joie autant que d’amertume. Telle une girouette au gré d’un vent souvent contraire en temps normal, le patriotisme redeviendrait tendance, de manière même outrancière, grâce au totem incarné par le ballon rond !

Mais la durée révèle la sincérité. Où est donc Charlie qui faisait pourtant consensus ? Aux abonnés absents depuis belle lurette ! L’individualisme a repris « naturellement » ses droits (regardez dans la rue, les transports en commun…) faisant de cet événement un énième feu de paille collectif.

Mais où est donc Charlie ?

Afficher son drapeau tricolore : condamnable en temps normal mais souhaitable lors du mondial de football. Aimer « son » pays en dehors du cadre sportif ? Cachez-moi cette horreur que je ne saurais voir ! Seul le patriotisme porté par le sport serait tolérable… et notre industrie, notre culture ? Cela est absurde !

Le fait que la FIFA ait changé le format des drapeaux, passant du rectangle au cœur bisounours, serait-il révélateur ? Faudrait-il « adoucir » un nationalisme rendu suspect par une bien-pensance déconnectée du réel ? « Amusant » de constater que la très grande majorité des joueurs évolue en championnat à l’étranger : mais oublions vite ce paradoxe pouvant mettre à mal l’amour du maillot national.

Officiellement, Emmanuel Macron ne voulait pas faire d’ombre à Didier Deschamps, souhaitant éviter toute récupération politique de cette victoire nationale.

Officieusement, il communiquera par l’intermédiaire des réseaux sociaux des joueurs via des mises en scène relayées sur la toile. Pas folle la guêpe ! La France a gagné… mais la dignité présidentielle est restée aux vestiaires !

Laurence Allard, maître de conférence en sciences de la communication : « Cela peut arranger un président comme Emmanuel Macron de relayer sa voix en passant par les Bleus et en se débarrassant du cinquième pouvoir. » 

Mais quelle belle équipe de France ! La cohésion était sur le terrain, se traduisant par la victoire d’un collectif et non d’un ou de deux joueurs phares. L’idéal républicain, manquant au quotidien, rayonnait ! Nicolas Hourcade : « La sélection a reconstruit son image autour de joueurs globalement consensuels, moins clivants qu’à d’autres périodes, et de figures représentatives de la France dans sa diversité. Donc elle suscite une adhésion plus forte du public. » 

La Marseillaise, spontanée, chantée par les joueurs sur les marches de l’Élysée contrastait avec un 21 juin où la provocation des plus puériles se tenait dans ce haut lieu de la République.

En effet, l’Elysée s’était vu « désacralisé » par des artistes dont les textes des chansons (« ce soir brûlons cette maison […] complètement », « salope », « t’es vénère parce que je me suis fait sucer la bite et lécher les boules », « danse enculé de ta mère, danse ») et leur mise en scène n’avaient pas leur place dans ce palais aussi symbolique.

Notez qu’un un adolescent ayant commis la faute d’appeler (en public) le Président « Manu » se verra réprimandé par ce dernier. Cette entre-deux n’est en aucun cas cohérent et digne d’une fonction présidentielle : on désacralise ou on ne désacralise pas. 

« Du pain et du foot » ! N’oublions jamais l’effet anesthésique d’une quelconque surmédiatisation servant à dissimuler certains faits. J’aurais bien aimé que le Jefta – nouveau traité de libre-échange entre l’Union Européenne et le Japon – signé le 17 juillet dernier, ait bénéficié d’une telle couverture politico-médiatique.

En rêve.