Entendre ce qui n’est pas dit, voir ce qui n’est pas montré : dépasser la communication élyséenne

« La chose la plus importante dans la communication est d’entendre ce qui n’est pas dit », Pascal Drucker

Il faut avouer que les premiers mois au pouvoir d’Emmanuel Macron sont, d’un point de vue stratégie communicationnelle, très riches à analyser. Néanmoins, cette surcommunication peut donner lieu à une certaine « saturation ».  À défaut de parler, le président se montre :

On peut rapidement faire l’analogie avec la célèbre Martine ! Les ethnologues Dominique et François Gaulme : « Il y a un côté très enfantin, la toute puissance enfantine du petit Macron qui s’habille comme il veut car il est le chef ».

Une (pseudo) virilité est exaltée, notamment à travers le sport. Le paraître et la superficialité semblent, désormais, indissociables de la fonction présidentielle. Ainsi, Paris Match titre : « Macron vs Trudeau : duel de beaux gosses au G7 »… Les Français qui peinent à joindre les deux bouts seront ravis de lire de telles futilités.

Je me demande souvent : quel regard auraient ceux qui ne sont plus dans notre société actuelle ? Que dirait le Général de Gaulle s’il voyait cela (« Alors, Macron, c’est la chienlit ! »)… Il aurait mal, tant la souveraineté de notre pays et les Français sont dénigrés.

Où se sont cachées la dignité, l’intégrité et la hauteur présidentielles ? A défaut d’avoir rendez-vous avec les Français, Macron a rendez-vous avec Schwarzenegger, Bono et Rihanna…

Arnaud Benedetti : « L’Elysée est une société de production qui permet de vendre une belle histoire. Mais les mots peuvent vous échapper et sont difficiles à contrôler. C’est pour ça qu’il préfère les images ». Ceci explique probablement l’annulation de la traditionnelle interview du 14 juillet… Devant le taulé suscité, l’Elysée dira simplement que la « ‘pensée complexe’ du président se prête mal au jeu des questions réponses avec des journalistes ». Les Français seraient-ils des crétins ? Nous sommes loin des conférences de presse du Général De Gaulle…

Les journalistes sont tenus à l’écart lors des Conseils des Ministres : ils ne peuvent plus les interpeller dans la cour de l’Elysée à leur sortie. Ils sont également choisis par l’Elysée pour les voyages à l’étranger : la communication est-elle verrouillée ?

« Toute communication est manipulation, la communication est un outil, la manipulation aussi », Alain Leblay

Quand il y a communication, la manipulation n’est souvent pas loin. L’armée, et désormais son ancien Chef d’Etat-Major Pierre de Villiers, en a fait les frais.
Le 12 juillet dernier, lors d’un huis clos à la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, le CEMA (Chef d’Etat-Major des Armées) émet de vives critiques quant aux 850 millions prochainement imputés à l’armée : « Ce n’est pas tenable. […] Je ne pourrai plus regarder mes gars dans les yeux si on réduit encore nos moyens ». Quand on voit l’état de notre armée, on ne peut être que d’accord, d’autant plus que nous menons une guerre contre le terrorisme (lire l’enquête de France Info/Sophie Brunn : « L’armée française à bout de souffle »).

Le 13 juillet, veille du défilé, Emmanuel Macron est pris d’un autoritarisme déconcertant. Il reproche publiquement au CEMA d’avoir mis de façon « indigne » une polémique budgétaire « sur la place publique » et le rappelle au « sens du devoir et de la réserve »

Alors que le Général Pierre de Villiers ne faisait que son devoir en répondant aux questions et en donnant son expertise, rien de condamnable ! Parole d’autant plus importante que la « grande muette » n’est pas représentée syndicalement. Doit-on désormais craindre les foudres du Président jupitérien si on ose émettre un avis différent du sien ? C’est à se demander si Emmanuel Macron n’a pas confondu armée et députés LREM : « Il n’y a pas de frondeurs […]. Il n’y a pas d’opportunisme, il n’y a pas des gens qui peuvent être investis en disant « eh bien moi, sur le cœur de votre projet […] je ne suis pas d’accord, je ne le voterai pas. […] Il va falloir les encadrer [les députés LREM] pour éviter le foutoir ». Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, va plus loin dans la provocation en déclarant que le CEMA avait « été déloyal dans sa communication » en « mettant en scène sa démission ». Belle inversion des rôles pour une polémique créée de toute pièce par le Président ! Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt…

Une fracture s’est-elle opérée entre le chef de l’Etat et l’Armée ?
Quoi qu’il en soit, la démission du Général Pierre de Villiers a suscité, à juste titre, beaucoup de remous tant il était apprécié. Comment en aurait-il pu être autrement pour une personne dévouant sa vie à l’armée avec l’art et la manière ? Son avant-dernier communiqué est très fort : « Méfiez-vous de la confiance aveugle ; qu’on vous l’accorde ou que vous l’accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité. Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être aveuglément suivi. »

Ô, Emmanuel Macron essaiera de retrouver une stature de Chef de l’Armée… Il se déguisera en aviateur lors de sa visite sur la base d’Istres le 21 juillet. Pour récupérer le prestige alloué à l’Armée de l’Air ? Je doute que le transfert ait bien marché !

Albert-Alexis Galland« Il n’a pas encore de mythologie pour la simple et bonne raison qu’il est né politiquement il y a un an et demi. Cette tendance à la surexposition vise à compenser ce déficit, pour que les citoyens continuent à avoir une opinion positive de lui. ». Communiquer à outrance n’est-il pas signe d’une carence politique, d’un souhait de dissimulation et de détournement de l’attention ?

Des paillettes pour un gouvernement d’opérette !

Avec 54 % de popularité en juillet (IFOP), Emmanuel Macron chute de dix points en un mois. Les effets de la poudre de perlimpinpin s’estomperaient-ils ? Peut-être le retour du « boomerang de la CSG » ? Ou de phrases comme « Une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien » ? Comme l’a écrit Chateaubriand, « Il faut être économe de son mépris en raison du grand nombre de nécessiteux »

Dans mon article « Peut-on encore critiquer la presse », je parlais de détention du quatrième pouvoir par une poignée d’actionnaires millionnaires (voire milliardaires). Beaucoup ont déclaré leur flamme au candidat Macron. Pierre Bergé : « J’apporte mon soutien sans la moindre restriction à Emmanuel Macron » (Le Monde). Xavier Niel : « J’aime bien Emmanuel pour son côté volontariste et libéral » (L’Obs). On comprend mieux toutes ces couvertures :

Il y a donc une communication présidentielle bien verrouillée. Cela serait « acceptable » si elle ne détournait pas les Français de la réalité en les manipulant.
Il y aussi une communication de certains députés LREM, dont l’amateurisme (dénué d’une absence totale d’empathie) est indigne ! Mireille Robert, députée de l’Aude« Depuis que je suis députée et que je vais à l’Assemblée nationale, je suis allée à des cocktails et des cocktails et des cocktails, chez des ministres, dans de beaux endroits, (chez) des secrétaires d’État. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’on nous sert essentiellement du vin et du champagne. Je regrette évidemment qu’on ne nous serve pas de la blanquette, mais j’apprécie qu’ils servent des produits français et de bonne qualité »...

Pour finir sur une note un peu plus rigolote, des photos-montages trouvées sur le net :

2 commentaires Ajoutez le votre

  1. Sylvain Renou dit :

    Super article comme d’habitude. Un grand merci pour tout ce que tu nous partages.

  2. Lucie dit :

    Merci Sylvain ! 🙂

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