En négociation depuis 2013, le TAFTA (ou TTIP) est un accord commercial entre les Etats-Unis et l’Europe afin de créer une zone de libre échange. Interrompus depuis l’élection de Donald Trump, les Etats-Unis se sont dits « ouverts » à la reprise des discussions début juin. Deux grands principes l’encadrent : la baisse du droit de douane et la diminution des barrières réglementaires. Je vais revenir sur ce second point, très inquiétant, puisqu’il sous-entend une harmonisation des règlements.
Les pro-TAFTA prennent souvent l’exemple des voitures. Qu’il serait pratique d’avoir des phares d’une même couleur des deux côtés de l’Atlantique ! Cela fluidifierait l’échange commercial entre le vieux continent et le pays de l’Oncle Sam…en baissant les coûts de production. Certes, mais :
Cet exemple est la partie visible de l’iceberg : la partie immergée est beaucoup plus perverse
Les normes de protection envers les consommateurs seraient nivelées par le bas : viande aux hormones, poulets à la javel, farines animales (n’oublions jamais la crise de la vache folle)…risqueraient de pointer le bout de leur nez sur notre continent.
Ainsi, Washington récuse l’appellation d’origine protégée (A.O.P.) jugée comme prétexte pour refuser des importations américaines… On trouve par exemple du champagne, appelé comme tel, produit en Californie… Nos différents labels (A.O.P., I.G.P., etc.) sont menacés.
Un scandale anti-démocratique sans précédent : les tribunaux arbitraux unilatéraux
Grande nouveauté : désormais, une entreprise a la possibilité d’attaquer un Etat (donc le contribuable) si elle juge qu’elle ne peut correctement vendre son produit sur son territoire.
Le fabriquant de graines et de pesticides « Crop Life » (« récolter la vie », immoral comme slogan de la part d’une entreprise qui la détruit) est en mesure de poursuivre l’Union Européenne, puisqu’elle menace 40 % de ses ventes potentielles à causes de ses règles « protectrices » (les conséquences des OGM sur l’organisme à long terme ne sont pas connues).
Philip Morris a attaqué l’Uruguay et l’Australie pour des campagnes anti-tabac jugées discriminatoires : ces pays ont risqué des amendes de plusieurs millions de dollars. Les citoyens mourant de tabagisme (actif ou passif) doivent-ils payer leur marchand de mort pour qu’il continue son massacre ?
Le risque, c’est qu’un Etat pourra être incité à retirer, ou atténuer, une réglementation de peur de payer une amende ! On marche sur la tête !
La naissance d’un « marché des plaintes » à l’encontre des consommateurs
Qui siègent dans ces tribunaux arbitraux dirigés par des juges privés ?
Des avocats d’affaires et des lobbyistes (comme Monsanto)… Le conflit d’intérêt sera roi puisque ces mêmes avocats pourront désigner eux-mêmes les juges ! Quand on sait à quel point les Etats-Unis sont procéduriers… Rajoutons à cela le non recours possible de la part de l’Etat mis en cause (et oui, une cour d’arbitrage n’est pas un cour de justice, elle n’est pas tenue de pouvoir faire appel des décisions prises par ces instances), nous obtenons un cocktail explosif.
Les tribunaux privés supplanteront les Etats-nations, le contrat commercial, nos lois nationales ! Quelle scandaleuse ingérence !
Des négociations tenues secrètes depuis 2013
Menées entre la Commission Européenne et le département du commerce américain, les discussions sont chapeautées par 90 % d’entreprises et seulement 6 % d’ONG/syndicats/associations de consommateurs…
L’opacité est la plus totale, les négociations sont difficilement consultables : salle sécurisée en présence d’un surveillant avec interdiction de recopier les passages… Lisez donc le témoignage de Noël Mamère !
Mais la Commission Européenne affirme « négocier aussi ouvertement que possible », OUF, on est rassuré ! Le Parlement Européen enfonce le clou : « la démocratie est basée sur la confiance, en particulier des citoyens dans leurs représentants ». La Commission Européenne, elle, a commenté de la sorte la pétition anti-TAFTA (ayant réuni plus de 3 millions de signatures, excusez du peu !) : « les initiatives citoyennes ne sont pas faites pour contester un texte en cours de législation ». Une honte !
Seul point de consolation, le vote du texte. Il faut l’unanimité des gouvernements européens réunis en conseil. Les Grecs ont déjà donné leur véto. Mais…depuis le passage en force du référendum de 2005, où près de 55 % des Français avaient voté contre le projet de traité constitutionnel européen, je n’ai que…« moyennement » confiance…
L’Europe se tire une (autre) balle dans le pied…et perd les pédales !
Comment ne pas être écœuré par cette Europe ? Et le suicide de nos agriculteurs ? Il est d’ailleurs plus que jamais primordial de toujours acheter tricolore : ne serait-ce que pour les soutenir (et pour mieux manger !).
Je regrette que ce chapitre TAFTA ait été passé sous silence lors des présidentielles aux vues des conséquences désastreuses que cela pourrait avoir sur le quotidien des Français : alimentation, agriculture, santé, climat, démocratie : tout ceci est menacé !
Comme annoncé au début de cet article, les Etats-Unis poussent à la reprise des négociations. Entre-temps, un autre accord, le CETA, véritable petit frère du TAFTA aux conséquences tout aussi désastreuses, a été signé en octobre dernier, sans aucune consultation du peuple européen. Il devra être ratifié par les 38 Parlements Nationaux et Régionaux des pays de l’Union Européenne pour être définitivement adopté. Notre très cher président y est favorable : « Ce traité améliore objectivement les choses dans notre relation commerciale avec le Canada »…
Comment peut-on être Président de la République, c’est-à-dire aimer son pays en incarnant la fonction ultime, et adhérer au CETA ? J’ai la réponse : « aimer encore plus la finance ! »
Seuls les grands industriels seront les « grands » gagnants, les seuls !
Regardez le NAFTA, traité signé il y a 20 ans entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Grâce à cet accord, l’eau est plus chère que le Coca-Cola dont la consommation atteint 728 bouteilles par an et…par habitant. Quelle avancée !
La belle Europe des origines n’est plus. Il faut arrêter cette spirale infernale tant qu’il est encore temps. Est-il déjà trop tard ?
L’Europe ne devrait être qu’Erasmus, Ariane… : de beaux projets hissant les Européens vers le haut.
Et rien d’autre.