Légiférer par ordonnance permet au Gouvernement d’adopter un texte sur un domaine qui relève, en temps normal, du législateur. Le but premier est l’accélération des débats parlementaires (la fameuse « navette parlementaire »). Le premier ministre, Edouard Philippe, met l’accent sur la nécessité d’une « rapidité d’exécution »…
Mais la République en Marche (arrière) possède la majorité absolue..et ce parti politique ô combien hétéroclite est encore trop jeune pour imploser de l’intérieur, d’où le souhait d’aller très vite ! L’ordonnance sert aussi à faire passer une décision impopulaire…ou combattue par l’opposition. Comme la réforme du Code du Travail qui pointe le bout de son nez ! Aux vues de la déclaration de la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, « le Code du Travail n’est fait que pour embêter 95 % des entreprises », celle de Laurence Parisot (ex patronne du MEDEF) faisant les louanges de la « flexi-sécurité » des contrats allemands (bel oxymore au passage) ou encore de l’avant projet de loi qui a fuité… On peut se dire que ce n’est pas en précarisant davantage les salariés que l’activité va se relancer, bien au contraire !
D’autant plus que la légitimité du gouvernement est encore mise à mal avec une nouvelle affaire, celle de Muriel Pénicaud, rien que cela ! (Je ferai « l’éloge » de Nicolas Hulot dans un prochain article, patience ;-)). Cette dernière était à la tête de « Business France », organisme public promouvant les entreprises françaises à l’étranger. Le 7 janvier 2016, une soirée « French Tech Night » fut organisée à Las Vegas avec comme invité Emmanuel Macron…alors Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Cette soirée a coûté la modique somme de 381.000 euros et aucun appel d’offre n’a été lancé…poussant le Parquet de Paris (« aidé » par la presse ?) à ouvrir le 7 juillet une « information judiciaire contre X pour favoritisme et recel de favoritisme ». Mais rassurez-vous, la ministre a déclaré « n’avoir rien à se reprocher ».
Un peu comme (feu) François Bayrou qui s’est vu rompre son bail au Ministère de la Justice ? Ou de la locataire Muriel de Sarnez au Ministère des Affaires Européennes ? Sans oublier Richard Ferrand exfiltré du Ministre de la Cohésion des territoires vers l’Assemblée Nationale ? Emplois fictifs, favoritisme…ces personnes exercent toujours des fonctions politiques et osent donner des leçons ? « Fais ce que je dis, pas ce que je fais »… Cerise sur le gâteau, le volet « casier judiciaire vierge » a été retiré du projet de loi de la moralisation de la vie publique présenté…par François Bayrou ! N’est-on pas mieux servi que par soi-même ?
Presque 60 ans après l’instauration de la Ve République, les ordonnances n’ont pas eu l’air de dissuader les 43,66 % d’électeurs qui ont voté Macron aux présidentielles (en tenant compte de l’abstention, votes blancs et votes nuls). Ni aux 43,06 % aux législatives (soit 16,55 % du total des inscrits sur les listes électorales, cela fait relativiser).
Curieux de voir au sein de mon entourage certains fervents opposants à la loi El Khomri voter sans hésiter pour Macron aux présidentielles ET législatives… La désillusion risque d’être à la hauteur de l’espoir incarné par ce qu’ils pensaient être un « nouveau produit marketing de la politique »…
L’ordonnance a été utilisée pour la première fois lors de la guerre d’Algérie en 1960. Le gouvernement de l’époque prit, avec l’accord du parlement, des mesures urgentes pour y maintenir l’ordre.
Pendant que les Français seront en vacances estivales (l’été est souvent prolifique pour légiférer sur des sujets impopulaires), le gouvernement travaillera sur « ses » ordonnances nivelant par le bas le code du travail. Elles seront (à priori) ratifiées le 20 septembre.
Du monde à prévoir dans les rues les jours suivants ?