Les vacances de M. Macron

Cela n’a pas dû vous échapper, « l’homme le plus puissant du monde » (selon Le Point) est parti en vacances une petite semaine à Marseille.

A défaut d’une vraie parole présidentielle, nous avons droit à une image rappelant un certain culte de la personnalité, certes en forçant un peu le trait. Ceci a probablement joué un rôle dans la chute d’Emmanuel Macron dans les sondages : le silence permet, bien souvent, aux autres de se construire un récit sans vous…

Et quel récit ! Suppression de l’ISF sur la finance, hausse de la CSG (dès 1200€ de retraite), réduction des APL, précarisation (à venir) du marché du travail, réduction des contrats aidés…  et j’en passe ! Rappelez-vous ce que disait l’un des rédacteurs du Cahier d’été de LREM : « c’est l’été, les Français veulent se reposer, ils n’ont pas du tout envie qu’on leur parle des mesures que nous mettons en œuvre à l’Assemblée Nationale »… Le moins que l’on puisse dire c’est que le jugement est erroné ! La rentrée sociale s’annonce agitée… Le Gouvernement a anticipé cette grogne en passant commande, pour la modique somme de 22 millions d’euros, « de grenades de maintien de l’ordre et moyens de propulsions à retard ».

« Ce qu’il y a de plus terrible dans la communication, c’est l’inconscient de la communication », Pierre Bourdieu

Le locataire de l’Elysée a rendu visite à l’Olympique de Marseille, le 15 août dernier. Ne sortira officiellement que ce cliché :

Le maillot porté par le Président est significatif. Existe-t-il un autre sport plus populaire que le foot ? Que cachent cette jeunesse et cette énergie affichées ? Voudrait-il redescendre symboliquement sur terre en tapant la balle avec des stars du ballon rond et ainsi se rapprocher du peuple qu’il méprise ?

Les rôles sont en quelque sorte inversés : Macron passant de Président à supporter, le déséquilibre est atténué. Cela n’est pas sans rappeler le rôle du carnaval : renverser, pour un temps, les rapports sociaux. Lors de fêtes médiévales comme la « Fêtes des Fous », maîtres et serviteurs échangeaient leurs rôles, par conséquent les attributs du pouvoir. Un bon moyen de chambouler l’ordre établi en incarnant une autre personne. « [Le charisme] engendre des relations subjectives à coup sur reposant sur une illusion et une réciprocité », Serge Moscovici (« L’âge d’or des foules »). On peut forcer un trait du caractère pour surpasser les contradicteurs et s’accaparer la plus grande reconnaissance possible.

Ces mises en scène (ou propagande, n’ayons pas peur des mots) avec sa femme avant l’élection présidentielle ont été construites et diffusées dans des journaux dont la neutralité journalistique n’est pas un pilier fondateur. C’est qu’une bonne partie de la presse est aux ordres !

Regardez la récente nomination du journaliste Bruno Roger-Petit en tant que porte-parole de l’Elysée. De janvier à mars 2017, 19 articles pro-Macron ou défavorables à ses adversaires ont été écrits par ses soins dans « Challenges », soit trois tous les quinze jours ! Le Parisien à titré « Bruno Roger-Petit à l’Elysée : ces politiques qui font le chemin inverse » parlant de « l’investissement des médias » par certains politicards (Raffarin rejoint France 2, Filippetti et Gantzer RTL, Dray LCI…). Ce n’est pas faire « chemin inverse » qui est le problème, mais le simple fait qu’il y ait un chemin, qui ne se donne pas forcément à voir.

Pendant sa semaine de vacances phocéennes est paru un « Elle »… avec Brigitte Macron en couverture :

Plus de 530.000 exemplaires de ce numéro ont été vendus… Alors qu’il y a tant de beaux livres à lire…

« L’épouse du Président de la République raconte son enfance, son histoire d’amour à l’Elysée, ses doutes… » en essayant de nous renvoyer une image d’elle moderne, active et de surcroît, féministe. Cela ne vous rappelle-t-il pas son mari ? « La presse people se focalise plus volontiers sur la manière dont les vedettes de l’actualité vivent leurs passions les joies et les drames que le lecteur pourrait, lui aussi, expérimenter. [La presse people permet] au lecteur de se projeter dans un univers à la fois totalement autre, mais aussi, en certains points, intimement semblable au sien) », Frédéric Antoine (« La presse people : des gens peu ordinaires »).

On connaissait la « main de Moscou », place désormais à la « main de l’Elysée » ! Cette interview tombait à point nommé en pleine débandade macronienne dans les sondages ! Je ne crois pas au hasard, d’autant plus quand on sait que l’épouse est plus populaire que le mari (je me demande sur quel éléments concrets se sont basés les sondés !).

Plantu pour Le Monde du 29 août 2017

Et Nemo ? Oh les médias en ont parlé, à défaut d’autres choses. Ce jeune chien, adorable au demeurant, incarne symboliquement une certaine continuité (moitié labrador) mais aussi une rupture (moitié griffon). Un côté protecteur/sauveur pourrait être incarné par ses maîtres de par le fait qu’il ait été adopté à la SPA. « Emmanuel Macron a déjà un lien très affectueux avec son chien Nemo », a indiqué Christophe Castaner… Quel lien a t-il avec les Français ?

Je t’aime, moi non plus

Macron, avril 2017 : « J’aurai cette distance avec la vie médiatique. Le problème des derniers quinquennats a été une trop grande proximité avec les journalistes. » (…) « Je pense qu’en particulier, quand on préside, on n’est pas le copain des journalistes ». Il est depuis de notoriété publique que le Président garde le contact avec certains journalistes économiques en échangeant régulièrement par textos. Un de ses proches confirme : « Il ne leur donne pas de détails, contrairement à Hollande. Mais il les ambiance pour les influencer, et maintenir un lien avec eux, au cas où… »

Le Président désire verrouiller ce qui pourrait sortir du Conseil des Ministres : « il nous a dit qu’il y aurait de vrais débats, sur tous les sujets… à une condition, c’est que chacun la ferme ». Force est de constater la faible présence médiatique de ses ministres !

Depuis cet été, la communication sur le couple Macron s’est durcie : tout doit être encore plus maitrisé, seules les images fabriquées officiellement peuvent circuler : ainsi un paparazzi a fait de la garde à vue pour s’être approché trop près de la villa où le couple présidentielle résidait. « Le poids des mots ne vaut pas le choc des images. (…) L’image, quand elle est forte, oblitère le son et l’œil l’emporte sur l’oreille. Certaines images sont donc désormais sous très haute surveillance, ou, pour être plus précis, certaines réalités sont strictement interdites d’images, ce qui est le moyen, le plus efficace de les occulter. Pas d’image, pas de réalité », Ignacio Ramonet (« La tyrannie de la communication »). 

« On ne peut rien fonder de durable sur le mensonge. C’est un fait troublant et certain. » Charles de Gaulle

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la relation de Macron avec la presse est très ambiguë de par son coté réversible, utilitaire. Les bases de cette construction médiatique reposent sur du faux pour des conséquences, elles, bien réelles. La poudre de perlimpinpin va-t-elle faire effet encore longtemps ? Quand on apprend que la maquillage présidentiel à coûté 26.000 € pour 3 mois de mandat (soit autant que le salaire net annuel moyen pour un temps plein en France), on se dit que le fossé symbolique s’installant entre le pouvoir et les Français ne fait que s’accroître.

Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, a  annoncé début août « une évolution dans la communication » du président de la République. « Aujourd’hui, il s’interroge aussi pour trouver une façon peut-être différente, à la rentrée, pour communiquer avec les Français. » Ainsi « pédagogie » est souvent employé. Je ne veux pas faire la personne qui pinaille, mais étymologiquement ce terme vient du grec paidos (« enfant ») et gogia (« mener »)…

A suivre !

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