Quand on se penche sur les transports en Île de France en général, et sur le RER B en particulier, le moins que l’on puisse dire est que l’avenir ne s’annonce guère réjouissant.
Deuxième ligne la plus utilisée d’Europe avec plus de 900.000 voyageurs par jour, le RER B voit sa fréquentation augmenter de 2% par an (environ 18.000 personnes). Une rame complète transportant 1.700 personnes, il en faudrait plus de 10 nouvelles par an pour résorber cet accroissement. Il n’en est rien puisque le RER B roule à flux tendu depuis des années. L’effet « boîte à sardines » a de beaux jours devant lui…
Le syndicat des transports d’Île-de-France, Île-de-France Mobilités (anciennement « STIF », combien ce changement de nom a-t-il coûté ?) a imposé un taux de ponctualité à la RATP/SNCF : 94% des RER doivent arriver à l’heure (sous la barre des 5min) sous peine de pénalités. Ce taux est en baisse constante (sur le total de la ligne en 2016 : 89,7% contre 87.7% en 2017, sur la partie Bourg-La-Reine/St-Rémy en 2016 : 82.6% contre 77% en 2017).
Il faut chercher ce qui se trouve derrière un taux qui est (bien souvent) une construction subjective ne reflétant pas forcément la réalité (cf. taux de chômage). Il n’y a, évidement, jamais 87% ou 77% de RER à l’heure en heure de pointe. C’est un taux « lissé » sur la journée complète, samedi et dimanche compris.
Mais alors, que font la RATP/SNCF pour améliorer ce chiffre sur les périodes des heures de pointe ?
Deux solutions :
- La première est de changer les missions en cours de route. Par exemple, un RER qui devait être omnibus Massy-Orsay sera direct, il gagnera quelques minutes, les voyageurs souhaitant se rendre entre ces deux gares les perdront (cerise sur le gâteau, ils ne seront pas toujours avertis de ce changement).
- La deuxième est encore plus scandaleuse. Il est souvent exigé d’un conducteur, dont la mission était omnibus Orsay-St-Rémy, qu’il déleste ses voyageurs à Orsay pour voyager à vide et directement vers St-Rémy sans aucun arrêt ! Gain de temps ? 3 minutes. Perte de temps pour les usagers ? Au minimum 15 minutes, sans parler des conditions de transport (2 RER réunis en un seul)…
Ces taux de ponctualité ne sont que de la pure supercherie que la RATP/SNCF essayent de manipuler pour payer le moins possible de pénalités, au détriment de toute qualité de service pourtant due aux voyageurs.
A cela s’ajoutent :
- Des rames plus adaptées au trafic (1700 places par rame sur le RER B contre 2600 pour le RER A).
- Un tunnel Châtelet/Gare du Nord complètement saturé (en théorie une cadence de 32 trains par heure, en pratique 17) impactant aussi le RER D.
- Une multiplication des incidents devenant quotidiens (signalisations, caténaires, alimentations électriques… sans compter les malaises voyageurs dus aux compressions engendrées par les suppressions de trains).
- Une future densification (reconnue par IDF Mobilités) sur les branches de la grande couronne à cause des nouvelles lignes du Grand Paris (trams Croix de Berny/Issy + Massy/Orly + Massy Evry, lignes 15 et 18).
- Le tout dans un contexte où informer les usagers tient lieu de l’exploit (ce n’est pas pour rien que les voyageurs privilégient les réseaux sociaux pour se renseigner entre eux).
Les solutions apportées par la RATP/SNCF ne sont pas dénuées de bon sens, mais trop lointaines, comme si l’urgence ne se faisait pas assez ressentir. En effet :
- La livraison de la première rame d’essai MI-NG est prévue pour 2024 ; les rames commerciales entre 2025 à 2028… C’est pourquoi ce tract de campagne de Valérie Pécresse fait doucement rire : les promesses n’engagent que ceux qui y croient !
- Adapter et rénover l’infrastructure délaissée depuis des décennies ? Acté pour 2024.
- Créer une aide informatique à la conduite dans le tunnel et les zones denses pour fluidifier le trafic et garantir les fréquences ? Prévu… pour 2028 ! « Lentement le matin, doucement l’après-midi et pas trop vite le soir » pourrait être le nouveau slogan de la RATP/SNCF.
Nous avons donc un trafic qui augmente de 2% par an, de nouvelles rames livrées seulement en 2028, une infrastructure dépassée dont les améliorations ne seront visibles qu’en 2024, le tout saupoudré d’une information défaillante.
Et certains voudraient que l’Exposition Universelle ait lieu sur le Plateau de Saclay en 2025 ? Comment pourrait-on absorber une grande partie des 600 millions de visiteurs prévus pendant 6 mois (soit plus de 33.000 par jour) ?
Après, on peut faire comme en Inde !
Cette déconnexion avec le terrain est déconcertante…
Merci pour cette analyse très pertinente ! Il est vrai que l’avenir proche ne s’annonce guère sous les meilleurs auspices…