La récente décision d’Edouard Philippe d’abaisser la vitesse à 80km/h sur les routes secondaires a suscité, à juste titre, beaucoup de remous.
La vitesse demeure l’un des principaux facteurs d’accidents, on ne peut pas le nier. Mais elle est accompagnée d’autres satellites tout aussi ravageurs… Ainsi l’alcool et les stupéfiants sont responsables, à eux deux, de 51% des accidents mortels, la vitesse 33%.
La Cour des Comptes a dressé, cet été, un rapport dans lequel « l’inutilité » des radars pour diminuer le nombre de décès est démontrée. Selon elle : « plus de 50% des recettes des amendes (837,1 M€) ne sont pas directement affectées à la mission [mais à d’autres fins comme les transports publics] », il y a « des dépenses diverses, ventilées sur cinq programmes distincts, dont la finalité est pour certains éloignée de l’objectif stratégique de diminution de la mortalité sur les routes ». Rappelons que l’infrastructure routière est impliquée dans 40% des accidents mortels.
En 2016, les morts sur la route ont encore augmenté alors que le nombre de radars n’a jamais été aussi élevé ! Rien de surprenant, quand on sait que 52% des radars ne sont pas placés sur des routes accidentogènes et que 96% des PV sont dressés pour des petits dépassements de vitesse.
Une étude contestable…
Le Gouvernement s’est justifié en utilisant les résultats d’une étude expérimentale (non publiée) réalisée sur trois tronçons de routes nationales remis à neuf durant 2 années. Or, pour être concluante statistiquement, une expérimentation doit durer 5 ans. Maître Rémy Josseaume : « Tout repose sur une soi-disant formule mathématique où on vous explique que lorsque l’on baisse d’un km/h la vitesse, il y a aurait 4% de tués en moins. Quand on regarde les chiffres en France, ce n’est pas vrai. Il y a des périodes, très précises, où on voit que ces chiffres ne sont pas corroborés. » A propos de la méthode de calcul, le « modèle Nillson », Pierre-Olivier Cavey de la ligue de défense des conducteurs : « Les résultats montrent qu’elle ne repose sur aucun fondement scientifique valable. […] De nombreux facteurs de sécurité active et passive du véhicule comme la ceinture, le système de freinage ABS/ESP sont omis. »
La corrélation (et causalité) entre réduction de la vitesse et baisse du nombre de morts sur les routes doit être nuancée : certes, la vitesse aggrave les accidents, mais elle peut être aussi la conséquence d’un autre facteur (somnolence, usage du téléphone portable…).
Un chiffre est une grille de lecture plus ou moins objective… qui ne dit pas forcément tout.
… Pour un coup d’épée dans l’eau ?
Nous avons vu que « moins de vitesse excessive » n’équivalait pas à « moins de décès » sur les routes. Quel sera le coût financier de cette mesure ? Le Premier Ministre a tenté de nous rassurer en écrivant ce tweet, très maladroit :
Le coût de financement des panneaux de signalisation sera entièrement financé par l’État.#SauvonsPlusDeVies
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) 9 janvier 2018
Le financement de l’Etat provient en grande partie du contribuable…
Sortons notre calculette : 400.000 kms de routes secondaires, soit 20.000 panneaux à remplacer. A 80€ le panneau, la facture totale s’élèverait à 1.6 millions d’€ (sans la main-d’œuvre). Ne serait-il pas plus utile d’accentuer les contrôles sur les drogues, l’alcoolémie excessive, l’usage des téléphones portables, le non respect des distances de sécurité, l’absence de clignotants, et j’en passe ? La répression à outrance ne donne pas forcément des conducteurs responsables… les statistiques le démontrent.
Radars dollars (ça rimait…)
Les différents Gouvernements ont principalement mis l’accent sur la répression des excès de vitesse pour réduire la mortalité sur les routes.
Pourquoi ? Pour s’assurer d’une rente qui a atteint l’année dernière 920 millions d’euros par an et qui n’est pas forcément utilisée à bon escient. Il est pratiquement certains que de nouveaux radars fixes vont joncher les nouvelles portions limitées à 80km/h aidés par leurs collègues mobiles (cédés à des sociétés privées, avides de rentabilité). Or, abaisser la vitesse permet d’augmenter la rentabilité d’un radar de 300% et la privatisation des radars mobiles va multiplier le nombre de PV par 8 !
Cette (sur)communication axée sur la vitesse est malsaine puisqu’elle ne dit pas tout et… ne règle rien !
Certaines mesures pourraient être développées :
- Interdire la vente d’alcool sur les aires d’autoroute.
- Enseigner le code de la route de manière ludique à l’école (comme en Allemagne).
- Renationaliser les autoroutes (payées par le contribuable…) pour désengorger les axes secondaires plus accidentogènes.
- Permettre le passage du permis de conduire lors d’un service civique.
- Développer les bandes sonores, la somnolence étant la première cause d’accident sur les autoroutes !
- Déployer davantage de contrôles pour réprimer la consommation excessive d’alcool et de stupéfiants (en 2016, 22% des personnes décédées l’étaient dans un accident impliquant au moins un conducteur ayant consommé un produit stupéfiant, l’alcool est présent dans 29% des accidents mortels).
Au Danemark, la vitesse a été relevée à 90km/h sur certaines routes secondaires initialement limitées à 80km/h. Les accidents mortels ont diminué parce que le nombre de dépassements dangereux baissaient…
La politique de Sécurité Routière devrait mettre l’accent sur le comportement des automobilistes, et cesser de pointer de manière continue la vitesse. Pour sauver des vies !
Une a-bé-ra-tion !