L’envie d’écrire cet article m’est venue suite à la projection du documentaire, très bien ficelé, « Guerre fantôme », retraçant la vente d’Alstom Energie à General Electric.
L’abandon des politiques français de ce fleuron industriel pour une bouchée de pain et les remises en cause de nos indépendances énergétiques ET militaires, qui en sont les conséquences directes, doivent être connues du plus grand nombre. Surtout que d’autres entreprises telles Areva, Airbus, Sanofi ou la Société Générale risquent de subir le même sort…
L’impérialisme américain plus que jamais présent
L’extraterritorialité du droit américain est la clef permettant de comprendre la vente d’Alstom Energie. Hervé Ascensio : « L’extraterritorialité est une situation dans laquelle les compétences d’un État (législatives, exécutives ou juridictionnelles) régissent des rapports de droit situés en dehors du territoire dudit État ». Par exemple, si une entreprise étrangère fait des affaires en dollars (ce qui est la plupart du temps le cas, 60 % du commerce mondial est en dollars), utilise un fournisseur d’accès internet ou des logiciels informatiques américains, elle peut faire l’objet de poursuites. Cela est tout simplement de l’extorsion de fond légalisé.
Le Department of Justice américain utilise ce procédé principalement à l’encontre d’entreprises européennes (payant en moyenne des amendes 4 fois supérieures à celles arborant la bannière étoilée…). Les Etats-Unis ont donc un outil permettant d’accentuer leur domination mondiale, sous couvert d’une lutte acharnée contre le blanchiment d’argent, la fraude et plus généralement la corruption.
Ce qui se passe généralement :
1. Soupçons sur une entreprise étrangère (rumeurs, articles de presse…)
2. La justice américaine lance une pré-enquête
3. Quand cela devient sérieux, une enquête plus poussée est diligentée, souvent avec le concours du FBI (écoutes téléphoniques, aide venant de la NSA…)
4. Les menaces au pénal arrivent… au bout du tunnel judiciaire, l’entreprise visée est rachetée ou doit s’acquitter d’une amende astronomique (la BNP dut verser 9 milliards de dollars en 2014, cet argent servit à renflouer les caisses de l’Etat de New York).
Le rapport d’information parlementaire déposé en octobre 2016 à l’Assemblée Nationale « sur l’extraterritorialité de la législation américaine » nous montre que cette dernière est « une volonté politique, parfaitement pensée, de valoriser la puissance américaine en faisant du droit un instrument de politique étrangère et de promotion de ses intérêts économiques ».
Depuis 2003, un ressentiment à l’égard de notre beau pays a vu le jour. Comprenez donc, Dominique de Villepin, alors Ministre des Affaires étrangères, exprima (à juste titre) la réticence de la France face à une intervention en Irak lors d’un discours très remarqué à l’ONU…
L’invention américaine des armes de destructions massives, légitimant leur intervention militaire, soi-disant détenues par le régime de Saddam Hussein, sera par la suite avérée. Mais le « French bashing » (« le dénigrement systématique de tout ce qui est français ») aura quand même lieu, évitant aux Américains une quelconque remise en question : « lorsque le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt ».
Il vaut mieux en rire… surtout venant d’un pays n’ayant même pas la décence d’ériger des monuments rendant hommage au génocide amérindien, refusant de signer la convention des droits de l’enfant ou ayant un système de santé pitoyable : c’est l’hôpital qui se moque de la charité.
C’est dit !
Alstom : un patrimoine national français
Alstom voit le jour en 1928, de la fusion d’une partie de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) et de la Compagnie Française pour l’exploitation des procédés Thomson Houston (CFTH).
Différentes difficultés apparaissent dans les années 2004 : Alstom prend notamment du retard sur les turbines à gaz expliquant (entre autre) l’intervention de l’Etat en 2005 qui acquiert 21 % du capital du groupe. Beaucoup de commandes publiques (SNCF, EDF) payées par le contribuable français seront effectuées. Nicolas Dupont-Aignan : « Seule une faillite imminente d’Alstom aurait pu justifier une telle précipitation… Or, il n’en est rien ! Cinq milliards de trésorerie, trois ans de commandes en réserve, une rentabilité de 4 %… des données financières qui feraient rêver plus d’une entreprise ! »
C’est à cette période (2013) que l’aigle américain passe à l’offensive, sollicitant la venue devant ses tribunaux du président d’Alstom, Patrick Kron, qui refuse ses injonctions. Pour mettre la pression, les juges américains feront arrêter le vice-président Frédéric Pierucci de passage aux Etats-Unis… Ses conditions de détention seront épouvantables (pas d’avocat et encore moins de visite de sa famille). En écrivant ces lignes, j’ai appris sa condamnation à 30 mois de prison (moins les 14 déjà effectués) le 26 septembre dernier. GE pratiquant l’évasion fiscale pour 119 milliards d’euros, la « Justice » américaine gère curieusement ses dossiers…
Les négociations avec l’Etat français vont commencer, Jean-Michel Quatrepoint, auteur de l’ouvrage « Alstom, scandale d’Etat » le résume parfaitement : « Au début […] avec General Electric, celui-ci n’était intéressé que par les turbines à vapeur et notamment à gaz. Dans l’accord du mois d’avril dernier [2014], cette activité était vendue à 100 %, mais trois filiales 50-50 étaient créées. L’une pour les énergies renouvelables, dont l’hydraulique et l’éolien en mer. La deuxième pour les réseaux, Alstom Grid, et la troisième, pour les activités nucléaires. À l’époque, les autorités françaises, par la voix d’Arnaud Montebourg, avaient garanti que ce secteur nucléaire resterait sous contrôle français. Le vibrionnant ministre français est parti et les promesses, c’est bien connu, n’engagent que ceux qui veulent les croire. Non seulement le 50-50 est devenu 50 plus une voix pour General Electric, mais le groupe américain détiendra 80 % pour la partie nucléaire. C’est dire que la production et la maintenance des turbines Arabelle pour les centrales nucléaires seront contrôlées par General Electric. »
Arnaud Montebourg, Ministre de l’économie (mai 2012/août 2014), fera tout de même passer le Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Mais ce qui aurait pu être une arme de dissuasion empêchant le rachat ne fut même pas utilisé…
Emmanuel Macron, alors secrétaire adjoint à l’Elysée, fut favorable, dans un second et dernier temps, à un rachat sans condition. Il déclara : « Nous ne sommes pas légitimes pour intervenir. Nous ne sommes pas dans une économie dirigée, on n’est pas au Vénézuela. ». Une fois Ministre de l’économie (août 2014/août 2016), il validera logiquement la vente le 5 novembre 2014, qu’il présentera, tout comme General Electric, comme une alliance industrielle…
L’équilibre n’étant pas respecté (remarquez l’absence sur le schéma des % d’acquisition… cela aurait fait tache !), nous ne pouvons en aucun cas parler d’alliance mais d’absorption. Jean-Michel Quatrepoint : « Il n’y a pas de fusion entre égaux. Il y en a toujours un qui rachète et un qui est racheté. Il y en a toujours un qui dirige, impose sa vision stratégique, et l’autre, minoritaire, qui doit plier. » GE avait promis, manque de chance qu’à l’oral, de s’acquitter de l’amende d’Alstom fixée à 630 millions d’euros. Devinez qui l’a payée ? Pas l’Oncle Sam ! Le PDG d’Alstom, Patrick Kron, empochera 4 millions d’euros en bonus ainsi qu’une « petite » retraite chapeau de 10 millions d’euros. De quoi couler une retraite paisible. Cerise sur le gâteau (déjà bien écœurant), ce monsieur reçut la Légion d’honneur en 2004… Charles de Gaulle : « Nous avons le devoir de faire de la Légion d’honneur une élite, une chevalerie et un élément moral essentiel dans le pays. » Une honte !
La France a perdu un élément de contrôle total de sa filière nucléaire qui était jusque-là complète. Cela n’empêchera pas François Hollande de déclarer : « Ce qu’on a obtenu est un progrès pour la France […] Les négociations ont été bien conduites sous mon autorité. » Osé, pour un traître à la patrie !
La France, nouveau vassal des Américains
Avec cette opération, les Américains ont voulu, d’une part tuer toute concurrence en consolidant leur place de leader et, d’autre part se venger de l’attitude irakienne, pourtant honorable, de la France désormais rentrée dans le rang… américain. GE accroît de 50 % son portefeuille de turbines et confirme sa place de numéro 1 mondial des équipements dans l’énergie, loin devant Siemens, avec 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 126 000 salariés.
Notre autonomie énergétique et militaire n’était pas du goût de Washington. GE a désormais le monopole sur les turbines, éléments moteurs, des bâtiments de notre marine nationale (frégate, porte-avion) et de nos centrales nucléaires. Un chantage, par exemple en cas de demande de pièce de rechange pour une turbine, est tout à fait possible. Nous avons perdu la conception et l’exploitation de ces éléments, pourtant stratégiques, qui sont désormais dans les mains américaines. Si la France veut vendre un bateau à un pays, n’étant pas en très bons termes avec les EU, y arrivera-t-elle ?
Le pompom ! Alstom Satellite Tracking Systems, filiale d’Alstom (bradée elle aussi), localise les satellites étrangers, indispensables pour éviter tout pistage de nos sous-marins nucléaires lors de leurs sorties ! Le fait que les propriétaires des satellites et ceux des sous-marins ne soient pas les mêmes pose un sérieux problème de souveraineté de sûreté nucléaire….
Lors de la première de « Guerre Fantôme » à Paris, une personne dans la salle a déclaré avoir assisté à une réunion de la direction juridique de GE à Bruxelles en 1999. Un haut responsable avait alors déclaré : « On se fera Siemens et Alstom sur la base de l’anti-corruption compte tenu de leur comportement sur les marchés internationaux ». Le scénario était écrit, il faut dire qu’Alstom était la 5ème acquisition de General Electric par ce biais… Un business bien huilé par le Department of Justice américain !
La dépendance énergétique et militaire de la France est désormais inféodée au pays de l’oncle Sam. L’histoire jugera sévèrement cette lâcheté politique… parfois saupoudrée de conflits d’intérêt ? Il est troublant de voir que Jérôme Pécresse (mari de Valérie Pécresse) était coordinateur de la fusion avec GE. Ou encore, Claude Sarkozy, l’avocat de GE. Sans oublier Clara Gaymard, présidente de GE France (femme de l’ex-ministre et député Hervé Gaymard). La liste est loin d’être complète…
Je terminerai par l’actualité « chaude » : la partie ferroviaire d’Alstom Transport vient d’être vendue à l’allemand Siemens, qui s’était vu refuser Alstom Energie… Une manière pour la France de se racheter à l’égard de l’Allemagne en espérant un retour d’ascenseur d’Angela Merkel sur le plan européen ? Quand la France n’aura plus rien suite à ces dépeçages, quel sera son poids à l’échelon européen et mondial ?
Cette espèce de trahison de l’esprit dont on ne se rend même pas compte…
Comme si le but d’une politique française était de faire plaisir aux autres pays et de faire en sorte qu’il n’y ait plus de France ! Surtout, ne pas faire de peine aux étrangers ! Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres. Et ils se croient capables, de ce seul fait, de diriger le pays ! »
Charles de Gaulle.
Tout cela est bien « triste » pour ce Pays, oui le pire c’est bien cette esprit d’abandon…
La France, plus précisément l’économie française, ne serait-elle pas malade de ses dirigeants (grands PDG & responsables politiques) et ce depuis plus d’une dizaine d’années ? Incompétence crasse, absence de probité et de vision stratégique, renoncement à l’intérêt supérieur de la nation,repli sur son intérêt personnel…sont les principales qualités de ces « managers » français au petit pied tous côtés au cac 40.Comme l’a bien expliqué JM Quatrepoint le « règlement » (liquidation)d’Alstom ressemble fort à un scandale d’Etat.La gestion du capitalisme français sous la houlette de ses managers préférés (tel M.Macron)ressemble fort à une liquidation en bonne et due forme de son patrimoine technologique,professionnel,économique…La S.N.C.F. est sur la liste des sociétés à liquider…ou tout du moins à brader.Rappelons que les dirigeants de la moribonde société Alstom ont dû s’acquitter d’une amende faramineuse pour des faits de corruption répétés,avérés dans différents pays du monde.Un des dirigeants d’Alstom a d’ailleurs été condamné à une lourde peine de prison aux Etats-Unis.Contrairement à ce que raconte M.Christian Jacob ce ne sont pas les éclaireurs de NDDL qui sont les voyous de la France mais bel et bien ces « dirigeants véreux » à l’image de M.Kron qui après avoir liquidé un des plus beaux fleurons de l’industrie française a réclamé pas moins de 4 M. d’euros de rémunération exceptionnelle à son conseil d’administration en guise de récompense pour ses hauts faits.Des dirigeants uniquement soucieux de s’enrichir quelque soient les conséquences pour la France.Plus ils sont mauvais plus ils s’enrichissent.+ de 80 milliards d’euros échappant à l’impôt auquel nous sommes tous soumis sont placés dans des paradis fiscaux chaque année.M.Bernard Arnault comme le PDG de la Société Générale s’en félicitent.La France en est malade…